• Odyssice - Impression (2000)

    CinémaOdyssice - ImpressionQuatre ans après la parution de Moondrive, soit au cours de l'an 2000, Odyssice sort Impression, son deuxième album. La pochette est ornée d'une photo du site archéologique de Polonnâruvâ. Polonnâruvâ était du XIe au XIIIe siècle la capitale du Sri Lanka, ile située à une trentaine de kilomètres à l'est de la pointe méridionale de l'Inde. Elle est aujourd'hui le centre d'un nombre important de vestiges archéologiques. La photo montre un hatadage qui était un sanctuaire construit à la fin du XIIe siècle pour conserver une relique, une dent de Bouddha en l'occurence. Le hatadage fait face à un autre monument de taille, un vatadage.

    Le hatadage de Polonnâruvâ date du règne de Nissanka Malla, roi cinghalais du Sri Lanka ayant dirigé le pays de 1187 à 1196. La photo retenue pour la pochette comme celle figurant à droite représentent l'entrée principale du sanctuaire. (Une autre petite porte est placée sur le côté est du temple.) Il s'agit d'une porte en pierre sculptée située au sud du temple. Au premier plan, devant les escaliers, il y a une dalle de pierre sculptée en demi-cercle appelée sandakada pahana et qui signifie « pierre de lune ». On pense que cette pièce d'architecture décrit le cycle des renaissances ou samsâra que la pratique du bouddhisme a pour objet de dépasser en atteignant le nirvâna. La ligne la plus extérieure montre des langues de feu qui sous-entendent les désirs matériels. Ensuite, on trouve des animaux. L'éléphant symbolise la naissance, le taureau la vieillesse, le lion la maladie et le cheval la mort, c'est-à-dire respectivement des étapes de la vie d'après Bouddha. Sur la troisième rangée, il y a des tiges dépourvues de fleurs. En se rapprochant du centre, des cygnes tenant une fleur de lotus dans le bec représentent celui qui a atteint l'éveil. Au milieu de la pierre, le lotus représente l'aboutissement du nirvâna.

    CinémaCinémaCinémaDe part et d'autre le sandakada pahana, il y a deux statues sculptées dans la pierre qui veillent à éloigner les mauvais esprits.

    Au delà du hatadage, on aperçoit une statue de Bouddha dans le fond. En fait, il y a trois statues à cet endroit. On constate sur la photo de la pochette de Impression que la statue de Bouddha n'est de toute évidence pas celle qu'on trouve dans le hatadage. Dans le premier cas, Bouddha est assis dans la position du lotus et la gestuelle des mains (mudrâ), même si l'image n'est pas nette, indique semble-t-il la méditation (Dhyâni-Mudrâ). Il est difficile même en zoomant sur l'image d'identifier de quelle statue il s'agit. Elle évoque l'une des quatre statues que l'on voit en visitant le vatadage lesquelles sont placées aux points cardinaux autour d'un stupa. Dans le hatadage, les trois statues représentent des bouddhas en position debout. Bien qu'ils soient en mauvais état, on devine que la gestuelle traduit le mudrâ de l'absence de crainte et de la protection (Abhaya-Mudrâ). La statue de Bouddha représentée sur la photo de la pochette de Impression est en outre placée au sommet d'un escalier qui ne figure pas dans le hatadage. On le trouve en revanche sur un autre site de Polonnâruvâ, le quadrilatère du palais royal qui fût érigé sous le règne de Parakramabahu 1er (1153-1186). L'escalier en question est celui qui mène à la salle du conseil du roi précité. La photo illustrant la pochette du second album de Odyssice est visiblement un montage.

    CinémaCinémaLa photo choisie pour la pochette est en rapport avec le thème général de l'album qui est la spiritualité. On le constatera en parlant du contenu. Pour cet album, un changement de personnel est à noter. Menno Boomsma a remplacé Bart Kühne à la batterie. Il apporte un plus puisqu'il est également flûtiste. Impression se compose de 12 titres dont la durée varie de 2:07 pour le plus court à 10:41 pour le plus long. L'album propose soixante-dix minutes de musique.

    Le contenu de l'album prolonge celui de Moondrive. Il y a peut-être un plus grand équilibre entre la guitare et les claviers qui offrent des solos de piano, de minimoog, etc. On retrouve un son proche de celui des anglais de Camel mais avec des touches orientales qui ne se limitent pas à la photo de la pochette ou aux titres de certains morceaux de l'album. La musique intègre également de temps à autres des sons qui diffusent des parfums d'encens. On le constate dès l’introduction du premier morceau au niveau des percussions. Anurâdhapura (7:45) est sans doute le titre le plus emblématique. Tout d'abord au niveau du titre. Anurâdhapura est une ville du Sri Lanka. Elle fût fondée au IIIe siècle avant J.-C. par Devanampiya Tissa après sa conversion au bouddhisme au contact de l'empereur indien Ashoka. Devanampiya Tissa était le roi de la plus importante ethnie de l'ile, les Cinghalais. Anurâdhapura est une ville qui aurait été bâtie autour autour d'une bouture du figuier de Bodhgayâ (État du Bihar en Inde) sous lequel le prince népalais Siddhârtha Gautama, après avoir découvert les causes de la souffrance humaine et le chemin pour la dépasser, devint Bouddha c'est-à-dire celui qui a atteint l'« illumination » ou « éveil », le nirvâna, état où l'homme est parvenu à se libérer de ses désirs et à se détacher totalement des choses. Anurâdhapura sera la capitale du Sri Lanka jusqu'au Xe siècle après J.-C. La ville de Polonnâruvâ lui succèdera après sa destruction.  

    CinémaLa référence à l'ancienne capitale sri lankaise se retrouve au niveau musical avec la répétition d'un thème orientalisant (samples de sitar) qui vient interrompre des passages à la Camel riches en solos de guitare, de flûte, de synthés, de piano et de mellotron. Sur cette splendeur qu'est Señkan (6:24), on entend au milieu du morceau le son Om ou Aum qui est censé être le son originel dont tous les autres découlent d'après les systèmes philosophico-religieux orientaux, dont l’hindouisme et le bouddhisme. Le chœur échantilloné et joué au mellotron confère un côté mystique à Legend (7:04).

    Le deuxième morceau de l'album s'intitule Lokapalas (4:19). Lokapâla est le terme sanskrit pour désigner chacun des 4 rois-gardiens des points cardinaux et de la loi bouddhique. Ils président aussi les saisons. Ces quatre rois-gardiens sont Vaishravana (nord et hiver), Dhritarâshtra (est et printemps), Virûdhaka (sud et été) et Virûpâksha (ouest et automne). Leurs noms changent selon les pays. Au Japon, on les appelle Shi Tenno (respectivement Bishamon-ten, Jikoku-ten, Jôchô-ten et Kômoku-ten).

    CinémaLe titre suivant, Señkan (6:24), malgré la graphie avec un tilde, pourrait être une référence au moine Senkan (918-983) de l'une des écoles bouddhiques appelée Tendai au Japon.

    CinémaLe bouddhisme n'est pas la seule source spirituelle de l'album. On relève la présence de Olympus (7:14) avec deux parties dont la seconde est appelée Zeus' Thorn.

    L'album alterne titres enlevés comme Crusader (3:25) ou Lokapalas et morceaux plus aériens (Señkan) voire planants comme c'est le cas avec le titre éponyme qui évoque, avec ses synthés spatiaux très envoûtants et le solo langoureux de la guitare, la longue introduction du sublime Shine on Your Crazy Diamond de Pink Floyd. Très étonnante est la présence dans ce contexte oriental de Flower of Scotland (2:07). Il s'agit ici d'une version à la guitare acoustique d'une chanson composée en 1967 par le groupe folk écossais The Corries. Flower of Scotland est devenu l'hymne national officieux de l'Écosse. Il est d'ailleurs joué avant chaque match du quinze du chardon. Outre l'ambitieux Anurâdhapura, on trouve sur le second album de Odyssice le long titre d'ouverture, l'excellent Scream (8:48). Mais c'est surtout A Prophet's Dream (10:41) qui clôt l'album qui constitue la quintessence de l'art de Odyssice.

    A Prophet's Dream débute de façon dynamique et enjouée au piano puis aux synthétiseurs et enfin à la guitare. La basse est très présente. Le même thème est répété puis le tempo ralentit et Bastiaan Peteers de lance dans un premier solo. Le thème initial est à nouveau rejoué jusqu'au changement de décor. Le tempo devient plus lent et la mélancolie succède à la gaité. Les claviers de Jeroen van der Wiel sont aux premières loges (samples de violoncelle, piano, synthétiseurs) en soliste ou en duo (piano/synthés). A l'orée de la cinquième minute, Bastiaan Peeters monte au créneau avec un magnifique solo de guitare auquel répond Jeroen van der Wiel dans le même exercice au piano. Mais c'est au cours des quatre dernières minutes qu'on trouve le meilleur moment de A Prophet's Dream grâce à l'époustouflant solo de guitare de Bastiaan Peeters. Le leader de Odyssice fait littéralement pleurer sa six cordes. Il la triture pour extirper des sons qui démultiplient toujours un peu plus la puissance émotionnelle de son solo et la beauté du thème mélodique. En fait, la guitare chantante de Bastiaan pallie le défaut que certains pourraient voir dans le fait que la musique de Odyssice soit purement instrumentale. Et l'absence de chant est sans doute préférable quand on voit certains albums gâchés par la médiocrité du ou de la vocaliste. Odyssice ajoute que, par rapport à la musique chantée, la musique instrumentale nécessite davantage d'efforts pour maintenir l'intérêt de l'auditeur et ne pas tomber dans l'ennui. On ajoutera que les symphonies de Brahms, de Dvorak, de Schubert, de Chopin ou de Schumann sont instrumentales et que personne n'a jamais regretté l'absence de chant.

    Odyssice - A Prophet's Dream (10:41) :

     

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