• Devil Doll

    Devil DollLe groupe slovéno-vénitien Devil Doll tire son nom du film de Tod Browning sorti en 1936 dont on parle ici.

    Devil Doll est avant tout le groupe de Mr. Doctor (voir ci-contre), un personnage particulièrement énigmatique dont le nom de scène semble inspiré du titre d'un film hongrois de 1916. Le leader de la formation slovéno-vénitienne Devil Doll semble prendre plaisir à cultiver le mystère autour de sa personne et à vivre dans l'anonymat. On ne sait donc pas grand chose de celui qui s'appelle Mario Panciera dans le civil. Il serait le fils d'un pianiste classique et exercerait le métier de criminologue. L'œuvre de son groupe montre que l'homme est visiblement un érudit, tant en matière de cinéma que de musique. Quoi qu'il en soit, Mr. Doctor est l'auteur de la musique, des textes et des artworks. Il est entouré d'une pléiade de musiciens italiens et slovènes de haut vol et de l'Orchestre Philharmonique Slovène ! 

    Devil DollDevil DollDevil Doll est officiellement l'auteur de 5 albums : The Girl Who Was... Death (1989), Eliogabalus (1990), Sacrilegium (1992), The Sacrilege of Fatal Arms (1993) et Dies Irae (1996). L'album The Mark of the Beast (1988) reste introuvable car il a été édité en un seul exemplaire que Mr. Doctor a décidé de garder pour lui !

    Chacune des pochettes des albums édités donne une petite idée du contenu musical.

    Devil DollDevil DollDevil DollDécrire la musique de Devil Doll s'avère être un exercice difficile au regard de la richesse et de l'originalité qui la caractérise. On s'attachera à relever les éléments essentiels d'une musique qui d'un point de vue formel fait alterner des envolées phénoménales et des moments de grâce tout au long de morceaux dont la durée approche ou dépasse les 40 minutes. The Sacrilege of Fatal Arms est une version rallongée de Sacrilegium porté à 80 minutes !!! (Il surclasse en durée les 60 minutes de Amarok de Mike Oldfield !).


    Arnold SchönbergFilmsL'œuvre de Devil Doll s'apparente à une démarche hautement progressive dans cette volonté de mêler avec une totale réussite musique symphonique, opéra, chants grégoriens, folklore slovène, éléments rock, metal, trash et gothiques. La grande diversité des instruments participe à la variété des atmosphères. Outre la présence d'une lutherie typiquement rock, on note que le grand piano se taille la part du lion, notamment lors de séquences intimistes de toute beauté qui relient les parties les plus débridées au cours desquelles d'imposants passages à l'orgue d'église et des chœurs majestueux complètent la palette sonore quand ce n'est pas l'électricité et une section rythmique en béton armé qui prennent le pouvoir au cours d'explosions rageuses. La diversité des timbres se manifeste également par les interventions épisodiques mais magiques d'un violon, d'un violoncelle et d'un accordéon.

    La réussite de l'ensemble ne serait pas totale sans le canevas mélodique somptueux sur lequel brodent les instruments précités. S'il n'y avait pas le sens aigu de la mélodie de Mario Panciera alias Mr. Doctor et son génie à créer des climats particulièrement suggestifs, la musique de Devil Doll n'aurait pas la même envergure. Enfin, on soulignera la présence extraordinaire de Mr. Doctor au chant. La maestro pratique le sprechgesang, une technique vocale difficile combinant le parlé et le chanté. Cette particularité avait été utilisée par le compositeur Arnold Schönberg dans le célèbre Pierrot lunaire en 1912. Elle a été reprise plus tard notamment par feu Alain Bashung, Bono (U2) ou Roger Waters (Pink Floyd). La voix de Mr. Doctor contribue grandement à la réussite de l'œuvre de Devil Doll bien qu'elle puisse paraître rebutante au premier abord. Il se sert de sa voix comme d'un instrument, jouant avec les dissonances, les glissandos, les sauts d'octave, etc. Mario Panciera, « l'homme aux mille voix », sait parfaitement véhiculer les émotions et moduler son organe en fonction du déroulement de l'histoire. Elle colle parfaitement à la musique d'épouvante de Devil Doll sans toutefois paraître aussi extrême et insupportable que celle des chanteurs de death metal.

    FilmsFilmsDevil Doll nous entraîne dans un univers de folie et sa musique est sans doute l'une des plus originales qui soient, aux antipodes des courants mainstream diffusés massivement par les radios commerciales. Elle est également passionnante. On ne s'ennuie jamais grâce aux rebondissements multiples qui maintiennent constamment l'auditeur en haleine. Elle ressemble à un vieux film d'épouvante, en faisant se succéder les émotions les plus diverses et où chaque note diffuse des sons et des images frappant l'imagination. Elle est en ce sens pleinement cinématographique, notamment parce qu'elle évoque les vieux films fantastiques en noir et blanc. Les illustrations choisies pour les livrets des CDs en témoignent également. Celle retenue pour la pochette de l'album The Girl Who Was ... Death est extraite du film The Bride of Frankenstein réalisé par James Whale en 1935 avec Boris Karloff jouant le rôle du monstre. La photo de la couverture montre Elizabeth Frankenstein (Valerie Hobson).   

    On relève également qu'avec l'album The Girl Who Was ... Death, Devil Doll rend hommage à la mythique série TV Le Prisonnier. L'intérieur du livret montre d'ailleurs une image de la série TV. En écoutant attentivement ce titre fleuve d'une quarantaine de minutes, on entend d'abord Patrick McGoohan dire « I'm not a number. I'm a free man! » et ensuite une interprétation du générique par le groupe de Mr. Doctor.

    FilmsFilmsDevil Doll utilise également pour le livret de Sacrilegium des photos de Village of the Damned (1960) de Wolf Rilla.

    L'œuvre de Devil Doll n'est pas seulement influencée par le cinéma en noir et blanc. Les textes de Mr. Doctor puisent également leur source chez des auteurs comme notamment Lautréamont, Charles Baudelaire et bien entendu Howard Phillips Lovecraft, l'un des maîtres de la littérature fantastique.

    FilmsL'œuvre de Devil Doll pourrait paraître grotesque ou prétentieuse s'il n'y avait pas une bonne dose de second degré chez Mr. Doctor. On s'écarte aussi de l'état d'esprit des groupes death ou trash et du mauvais goût qui les caractérise. Chez Devil Doll, l'esthétisme est constant. Certains connaissent peut-être Lacrimosa, l'excellent groupe germano-suisse de gothic metal parés d'atours progressifs. Ils appréhenderont d'autant plus facilement la musique de Devil Doll, laquelle est toutefois beaucoup plus riche et ambitieuse. Pour d'autres, l'écoute répétée de la musique du groupe italo-slovène sera récompensée par le plaisir qu'elle procure aux oreilles capables d'entendre quelque chose qui s'écarte à 180 degrés des schémas traditionnels et notamment du format chanson. D'autant, comme on l'a dit, que les mélodies sont magnifiques et facilement assimilables. C'est d'autant plus important de le souligner que les plaisirs de l'ouïe se situent essentiellement dans la mélodie selon le philosophe français Etienne Bonnot de Condillac.

    La critique musicale considère Dies Irae comme le meilleur des 5 albums. Sacrilegium retient mes faveurs. Ça tombe bien car cette pièce de près de 45 minutes peut être écoutée grâce à un petit malin qui l'a découpée en 6 judicieuses parties pour pouvoir la mettre en ligne au profit de tous. A écouter les yeux fermés, lumières éteintes et si possible en reliant l'ordinateur à l'ampli et aux baffles pour profiter du son énorme de cette musique atypique.

     Devil Doll - Sacrilegium, Partie 1 (8:22) :

     

    Sacrilegium débute en fanfare avec chœurs et batterie suivis d'un solo d'orgue d'église et de chants grégoriens. A cette introduction flamboyante, succèdent les notes d'un piano classique sur lequel vient se poser la voix sépulcrale de Mr. Doctor. La tension monte progressivement. La basse, la batterie et le violon entrent en scène avant de céder la place à un piano fantomatique et aux murmures de Mr. Doctor. Contre toutes attentes, un accordéon sort de nulle part pour plonger l'auditeur dans un décor de fête foraine.

      Devil Doll - Sacrilegium, Partie  2 (9:11) :

     

    Une ambiance mystérieuse faite de bruitages et de cordes lugubres prend l'auditeur à contrepied. Le retour de l'accordéon ramène à davantage de sérénité, vite interrompue par un break de basse/batterie. La voix de Mr. Doctor et quelques notes délicates de piano apportent un nouveau répit. Pour un court instant car des bruitages, la clameur de la foule et le discours d'un despote viennent casser l'ambiance. Le piano refait surface alors que Mr. Doctor sanglote sur un accompagnement au piano. Une puissante sonorité d'orgue créée une ambiance fantastique. Un improbable accordéon nous ramène au milieu des manèges. La section rythmique et le violon entament une danse endiablée. Des cris viennent troubler la quiétude qui s'échappe des notes du piano tandis que Mr. Doctor module sa voix du grave à l'aigu. Un solo de violon vient réchauffer l'ambiance tandis que la section rythmique s'emballe à nouveau.

      Devil Doll - Sacrilegium, Partie   3 (7:59) :

     

    Un des plus beaux thèmes de l'album qui commence au piano pour se développer crescendo jusqu'à l'envolée majestueuse où chœurs, claviers et chant emportent tout sur leur passage. Grandiose... A l'issue de cette séquence dévastatrice, on savoure le merveilleux dialogue entre le piano et le violon. Mr. Doctor continue son récit accompagné d'une guitare acoustique. Une guitare électrique lyrique, un piano désaccordé, des chœurs d'outre-tombe et la voix torturée de Mr. Doctor complètent le tableau alors que les climats deviennent angoissants.

    Devil Doll - Sacrilegium, Partie   4 (6:39) :

     

    Le piano et le violoncelle s'engagent dans un dialogue nostalgique d'une très grande beauté. Un solo de piano prolonge le climat de douceur pendant quelques secondes avant de s'effacer devant les chœurs et l'orgue. Une boite à musique égrène quelques notes qui plongent l'esprit dans la léthargie. Mais bien vite un passage metal et rythmé vient plomber l'ambiance. On apprécie d'autant mieux la séquence suivante, l'une des plus belles de Sacrilegium. On tutoie le sublime avec une ligne mélodique à tomber tandis que de nouveaux chœurs et la réapparition des grandes orgues instaurent un climat propice au recueillement et à la méditation.

    Devil Doll - Sacrilegium, Partie   5 (6:05) :

     

    Des stridences et le violon entament un thème inquiétant. On apprécie ensuite l'émouvante prestation vocale de Mr. Doctor accompagné au piano tandis que la batterie vient imprimer un tempo lent et majestueux. L'ambiance est dramatique à souhait. Une guitare lyrique fait monter davantage la tension. Un piano joue en solo un thème mélancolique puis Mr. Doctor prend la parole pour déclamer son texte. Ce cinquième passage se conclut de façon féérique.

    Devil Doll - Sacrilegium, Partie   6 (5:16) :

     

    La dernière partie débute par un superbe thème joué au piano avec l'appui de la section rythmique. Une plainte de violon et le bruit du vent confèrent une touche de nostalgie et de mystère. Mr. Doctor récite son texte tel un possédé. Un accordéon apaise l'ambiance avant le retour du chant démoniaque de Mr. Doctor. Une rythmique sautillante et un dialogue entre le piano et le violon apportent une touche de gaieté. Un dernier passage death se manifeste. L'orgue et des chœurs qui scande « sacrilegium » terminent en beauté la fresque musicale du même nom.

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