• Marianne de ma jeunesse/Marianne (1955)

    MarianneEn 1955, le cinéaste Julien Duvivier tourne simultanément une version française et une version allemande du même film tiré d'un roman paru la même année et écrit par un certain Peter de Mendelssohn (1908-1982), Schmerzliches Arkadien qui signifie « douloureuse Arcadie ». Le titre a les caractéristiques d'un oxymore puisqu'il associe deux termes antinomiques. La mythologie enseigne que l'Arcadie, dans l'Antiquité, était synonyme de pays rêvé, de lieu idyllique, le paradis en somme. Le titre du roman de Mendelssohn résume à lui seul l'histoire qu'il raconte. Il parle de l’amour impossible, au cœur des magnifiques Alpes bavaroises, entre Vincent Loringer, un étudiant argentin mystique et Marianne, une jeune femme retenue prisonnière dans un château. L'histoire évoque étrangement celle du mythique et unique roman écrit par Henri-Alban Fournier dit Alain-Fournier (1886-1914), Le Grand Meaulnes (1913).

    L'adaptation du roman de Mendelssohn pour le cinéma porte le titre Marianne de ma jeunesse dans sa version française et tout simplement Marianne dans sa version allemande. On retrouve dans les deux versions du film des caractéristiques qui définissent le romantisme, courant artistique né au cours du XVIIIe siècle : personnages exaltés qui expriment leurs sentiments avec passion, ambiances bucoliques ou fantastiques propices à l’évasion et au rêve, décors majestueux symbolisant la pureté d'une nature préservée. L’intrigue a pour cadre les environs de Heiligenstadt au cœur des Alpes bavaroises et des châteaux construits sous le règne de Louis II.

    MarianneMarianneL'affiliation du film au romantisme se double de qualités esthétiques indéniables. Le tournage en noir et blanc, chose normale à l'époque, contribue à la réussite visuelle du film de Duvivier. L'esthétisme se retrouve aussi dans des scènes comme celle où la jeune Lise, alors que l'orage et la pluie troublent la nuit, se déshabille devant Vincent. A l'époque où le film a été tourné, il était impensable de montrer la nudité. Celle-ci est alors suggérée. C'est vers l'ombre portée sur le mur que la caméra se déplace pour montrer la demoiselle en tenue d’Eve qui tente de s'offrir à Vincent. Il fallait que le jeune homme soit profondément épris de Marianne pour rester de marbre devant les charmes de la troublante Lise.

    MarianneMarianneCôté acteurs, ils n’ont pas été choisis au hasard, qu’il s’agisse de Marianne Hold (Marianne), de Isabelle Pia (Lise) et de Pierre Vaneck (Vincent dans la version française) et Horst Buchholz (Vincent dans la version allemande). Leur incontestable beauté contribue à la dimension esthétique du film. C’est au contraire un homme particulièrement repoussant qui, de l’autre côté du lac, garde le château où vit la troublante Marianne.

    Nous avons vu les deux versions du film de Duvivier. Nous préférons la version allemande pour plusieurs raisons. La version en langue française accuse le poids de son âge. Elle est caractéristique des films anciens. Ce n'est pas un défaut en soi. La version allemande nous paraît supérieure car le défaut, façon de parler, de la version française est beaucoup moins perceptible. Peut-être est-ce dû au fait que nous n'avons pas étudié l'allemand et que cette langue ne nous est pas familière. Quoi qu'il en soit, la version allemande semble intemporelle alors que par ailleurs le noir et blanc du tournage et les personnages nous ramènent en arrière. Même si les deux versions sont légitimes, la préférence de la version allemande colle davantage au contexte. L'histoire se déroule en Allemagne. Il est donc naturel que les dialogues soient dans la langue locale. Ensuite, la langue de Goethe ajoute une touche supplémentaire de romantisme. Enfin, nous trouvons que l'acteur Horst Buchholz correspond mieux au rôle de Vincent qui est argentin. Pour jouer les Adonis et séduire la belle Marianne, nous pensons en outre que l'acteur allemand possède davantage un physique de jeune premier.

    Marianne de ma jeunesseMarianne de ma jeunesseLe film Marianne de ma jeunesse/Marianne est cité comme étant l'une des sources de l'inspiration de Leiji Matsumoto, le célèbre auteur japonais de mangas et de dessins animés. C'est particulièrement vrai au niveau des décors s'agissant du film Arcadia of My Youth. Dans un magnifique flashback, l'aviateur de la Luftwaffe Phantom F. Harlock II, ancêtre du pirate de l'espace Harlock (Albator dans la version française) montre sa nostalgie pour Heiligenstadt et ses environs, le paradis de ses vertes années qui en d'autres termes explique le nom du film en même temps qu'il rappelle par combinaison le titre du roman de Mendelssohn et celui en français du long métrage de Duvivier. Dans le film Arcadia of My Youth et dans Marianne de ma jeunesse/Marianne, on assiste à un même travelling de droite à gauche montrant des arbres puis un château bavarois.

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