• Steve Hackett - Voyage of the Acolyte

    Steve Hackett - Voyage of the Acolyte (1975)

    Voyage of the AcolyteEn 1970, Steve Hackett fait paraître l'annonce suivante dans la célèbre revue Melody Maker : « Guitariste-compositeur cherche musiciens bien décidés à lutter contre la stagnation des formes de musiques existantes ». Genesis est à la recherche d'un nouveau guitariste après le départ de l'excellent Antony Phillips à l'issue de l'enregistrement du tout aussi excellent Trespass (1970). Phil Collins, le batteur, répond à l'annonce et bientôt Peter Gabriel invite Steve Hackett à assister à un concert de Genesis.

    L'arrivée de Steve Hackett au sein de Genesis marque l'âge d'or du groupe dans lequel on trouve, outre les trois musiciens précités, Mike Rutherford à la basse et Tony Banks aux claviers. Cette formation enregistrera les meilleurs albums du groupe anglais avant son virage vers une musique commerciale : Nursery Cryme (1971), Foxtrot (1972), Selling England by the Pound (1973), The Lamb Lies Down on Broadway (1974) puis, sans Peter Gabriel toutefois, A Trick of the Tail (1976) et Wind and Wuthering (1976). De cette période, s'il fallait retenir une seule chose, s'agissant du guitariste de Genesis, ce serait le fabuleux solo sur Firth of Fith (Selling England by the Pound).

    Steve HackettEn 1975, Steve Hackett publie Voyage of the Acolyte, son premier album solo parallèlement à sa participation au sein de Genesis. Il s'est entouré de deux des membres de la formation anglaise : Phil Collins à la batterie et Mike Rutherford à la guitare basse et à la guitare 12 cordes. Cette escapade sous son nom propre voit également et notamment la contribution de son frère à la flûte et de Sally Oldfield (la soeur de Mike) au chant.

    Steve Hackett - Shadow of the HierophantL'album Voyage of the Acolyte paraît avec une pochette illustrée par celle qui deviendra l'épouse de Steve Hackett, l'artiste brésilienne Kim Poor. Deux ans plus tôt, Salvador Dali avait été impressionné par les travaux de Kim Poor. Le Catalan avait qualifié de « diaphanisme » le style irréel de la jeune femme lorsqu'il l'avait rencontrée. Pour cette illustration, Kim Poor a utilisé une technique à base de poudre de verre fondues sur de l'acier. La magnifique aquarelle (35 cm x 45 cm) de Kim Poor permit à Voyage of the Acolyte d'être désigné comme le disque doté de la plus belle pochette de l'année 1976.  Elle montre une prêtresse aveugle en train de franchir en lévitation la porte du temps. Elle possède des dons de voyance. La pochette de l'album est au format gatefold. En l'ouvrant, on découvre une deuxième superbe illustration de Kim Poor. On voit un vieil homme qui pourrait être, faute d'avoir des informations à ce sujet, le magicien, l'ermite ou le hiérophante connus des amateurs de tarot. Les illustrations de l'album ne doivent pas au hasard. L'album Voyage of the Acolyte a justement pour thème les arts divinatoires. On retrouve des cartes du tarot - le Magicien, la Prêtresse, la Tour, l'Ermite, l'Etoile, les Amoureux et le Hiérophante dans chacun des huit titres du disque :  Ace of Wands (5:23),  Hands of the Priestess I (3:28), A Tower Struck Down (4:53), Hands of the Priestess II (1:31)The Hermit (4:49)Star of Sirius (7:08)The Lovers (1:50) et Shadow of the Hierophant (11:44).  

    Steve Hackett - Shadow of the HierophantSteve Hackett - Shadow of the HierophantC'est du dernier titre de l'album, Shadow of the Hierophant, dont il sera ici question. Quelques mots d'explication s'avèrent utiles pour comprendre la signification du titre, Ombre du Hiérophante en français Le hiérophante, de hieros, sacré, et phainein, révéler, littéralement « celui qui révèle les choses sacrées », était l'un des dignitaires religieux qui dirigeaient les mystères d'Eleusis. Les mystères désignent les cultes dont les croyances et les pratiques sont réservés aux initiés (qui constituent donc une élite) par opposition à ceux qui sont ouverts à tous. Les mystères d'Eleusis (une ville de Grèce) étaient, sous l'antiquité, les cultes institués en l'honneur de Déméter, la déesse du blé et plus symboliquement de la fécondité. Le but des mystères d'Eleusis était de permettre le bonheur dans l'au-delà aux initiés.  

    Shadow of the Hierophant débute de façon magistrale par une frappe sèche de Phil Collins sur ses fûts tandis que le mellotron de John Acock et les riffs de la guitare électrique de Steve Hackett dessinent un thème majestueux dans un style très floydien. Le couplet qui succède à cette introduction flamboyante débute par des notes de guitare acoustique du même Steve Hackett. La voix sublime de Sally Oldfield vient se poser sur ce tapis de cristal tandis que la flûte de John Hackett fait son apparition. Par trois fois, on assiste à cette alternance entre le grandiose thème d'ouverture et l'intimiste et bucolique passage où chante la soeur du créateur de Tubular Bells.

    Steve Hackett - Shadow of the HierophantShadow of the Hierophant se poursuit avec un superbe passage de notes tourbillonnantes où Steve Hackett, utilise la technique du « tapping » qui consiste non plus à gratter ou à pincer les cordes de sa guitare mais à les tapoter. Hackett est connu pour être avec d'autres guitaristes (comme Jimmy Page de Led Zeppelin) un précurseur de cette technique.

    Les sonorités étranges de la guitare de Steve Hackett sont interrompues par un break qui met fin à ces intants de rêverie. Les guitares sont au menu de cet intermède qui précède les cinq dernières minutes de Shadow of the Hierophant.

    Le final de Shadow of the Hierophant commence par une séquence répétitive de trois notes de carillon de Phil Collins seul. Les mêmes notes sont reprises dans le lointain par la guitare électrique de Steve Hackett puis, alors que le son se rapproche, la section rythmique et le mellotron font leur apparition crescendo pour un boléro puissant et majestueux. Ce coda, dramatique à souhait, est controversé. Certains le trouvent trop long et répétitif. Il est difficile toutefois de ne pas se laisser emporter par la beauté de la mélodie, les notes poignantes de la guitare électrique de Steve Hackett et les nappes épaisses de mellotron (1).

    A l'image de  Shadow of the Hierophant, l'album Voyage of the Acolyte baigne tout entier dans des climats féeriques et mélancoliques. Le contenu et le contenant (la pochette) sont au diapason. Voyage of the Acolyte prolonge les albums de Genesis de la même période par ses aspects épiques, poétiques et bucoliques.

    En 2005, l'album Voyage of the Acolyte est sorti dans une édition remastérisée époustouflante. L'album offre notamment en prime une version de Shadow of the Hierophant portée à... 17 minutes !

    Steve Hackett - Shadow of the Hierophant (11:44) :

     

     

    (1) Le mellotron n'est pas un synthétiseur. Le principe du mellotron est de jouer sur un clavier des sons de véritables instruments pré-enregistrés sur bandes magnétiques. Quel que soit l'instrument joué, le son est restitué avec des caractéristiques particulières qui non seulement permettent de deviner qu'on est en présence d'un mellotron mais en outre qui en font tout le charme.

    Le thème introductif de Shadow of the Hierophant faisait intervenir un mellotron jouant des notes d'instruments à cordes frottées (3 violons est le cas le plus fréquent). Le final est quant à lui joué par un mellotron dont les sons résultent de l'enregistrement d'un authentique chœur à huit voix. C'est lui qui donne cette ambiance fantomatique et irréelle à la musique à certains moments.

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