Autumn Chorus - The Village to the Vale

Autumn Chorus - The Village to the Vale (2011)

L'année 2011 touche bientôt à sa fin et le bilan musical en matière de rock progressif s'avère particulièrement impressionnant. A côté des ténors du genre et des outsiders qui ont parfois atteint ce statut de figure de proue, il y aura eu tout un tas de petits nouveaux qui auront voulu se faire une place au soleil. Un certain nombre d'entre eux tomberont dans l'oubli faute de susciter la passion ou tout simplement en raison de leurs insuffisances techniques ou artistiques. D'autres au contraire ont émergé du lot de belle manière. Incontestablement, parmi ceux-ci, il y a le groupe anglais Autum Chorus dont le nom le prédestinait à sortir son premier album au moment où les arbres perdent leurs feuilles.

Pour The Village to the Vale qui est le titre bucolique de ce premier album, Autumn Chorus a fait appel à un artiste du nom de Matt Gauck pour illustrer la couverture du livret. Matt Gauck est un Américain qui vit à Portland dans l'Orégon. En dehors de son travail chez un éditeur et distributeur indépendant, Matt Gauck peint et dessine. Il a notamment réalisé des illustrations de couverture de livrets de CDs pour des formations de la mouvance « Do It Yourself » caractérisée par le rejet total de la société de consommation et la débrouillardise. Matt Gauck revendique son attachement à ce courant outre d'être est un adepte du véganisme. Cette philosophie de vie extrême imprègne les dessins de Matt Gauck qui peuvent paraître dérangeants. En revanche, les peintures, avec leur côté naïf, apparaissent plus esthétiques et poétiques. Cette caractéristique se retrouve dans la peinture à l'huile réalisée pour le groupe Autumn Chorus. Elle représente une scène champêtre dans laquelle un pont en ruine concentre l'attention. De l'autre côté de la rivière, il y a un village coupé du monde. En regardant de plus près, on découvre devant le pont un homme. On devine son désarroi de ne pas pouvoir traverser la rivière. Sa tenue rétro situe la scène dans le passé. Cette jolie peinture a le mérite d'inciter à faire connaissance avec la musique. On ne dira jamais assez combien le contenant peut être déterminant sur l'envie ou non d'aborder le contenu.

Le groupe Autum Chorus est composé de Robbie Wilson au chant, à la guitare, à l'orgue et à la trompette, Luc Foster à la batterie, au piano et au glockenspiel, Peter Evans à la basse et au glockenspiel, Chris Lloyd à la guitare et au lamellophone. Le groupe fait appel à quatre musiciens additionnels dont deux femmes.

Autum Chorus ne revendique pas explicitement l'appartenance au rock progressif. Il se dit influencé par la musique classique autant que par d'autres formations de post-rock. Mais sa démarche et sa musique sont en réalité caractéristiques du rock progressif en le sens que Autum Chorus délivre un rock paré d'atours classiques et folks, qu'il utilise des claviers, des cordes, de la flûte et un ensemble vocal qui constitue par ailleurs l'élément fondamental de sa musique. On trouve effectivement des épanchements qui lorgnent vers le post-rock et notamment du fameux groupe islandais Sigur Rós. Mais on s'éloigne du son de groupes aussi excellents que Explosions in the Sky, Gos Is an Astronaut, etc. où les guitares se taillent la part du lion. En outre, le post-rock est de façon générale essentiellement instrumental. Autumn Chorus propose davantage de variété dans le son que ce soit à travers la voie ensorcelante de Robbie Wilson, les soli de violon et les envolées majestueuses où rivalisent l'orgue, la trompette, la guitare et des chœurs célestes. Le batteur n'est pas en reste et son jeu se fond admirablement dans cette ode aux instruments à caractère mélodique (violon et trompette) et aux instruments à dimension harmonique (piano et orgue). La richesse instrumentale de l'album de Autum Chorus se traduit également par la présence d'un instrument rare de type lamellophone, le piano à pouces. Le piano à pouces est un instrument à percussion de la classe des idiophones. Il produit des sons à partir de lamelles qui sont pincées par les doigts. Il est pourvu d'une caisse de résonnance. Cet instrument est originaire d'Afrique subsaharienne où il porte un nom différent selon les régions.

The Village to the Vale est un album dont la réussite ne serait pas totale sans les mélodies somptueuses dont il regorge et les climats nostalgiques qui contribuent à donner relief et profondeur à la musique. Autumn Chorus tutoie même le divin à plusieurs reprises.

L'introductif Three Jumps the Devil (7'05), qui débute doucement au glockenspiel, offre de forts belles envolées faites de chœurs, d'orgue et de trompette. Lui succède l'intimiste You'll Wait Forever (6'28) dont on retient l'introduction à l'orgue, la voie ensorcelante de Robbie Wilson, les magnifiques plaintes de violon et le final à la trompette. Never Worry (3'59) offre une introduction très cinématographique évoquant de grands espaces puis met en valeur le chant. Une mélopée et des chœurs se répondent avant de laisser la place à des cordes qui terminent Never Worry en douceur. Thief (7'26) est une superbe ballade avec des parties vocales remarquables. A la deuxième minute, la voix de Robbie Wilson devient grave tandis que le piano lui sert d'accompagnement. Un très grand moment d'émotion pure. A la quatorzième seconde de la quatrième minute, la musique de Autum Chorus se hisse vers les sommets avec une envolée dont il a le secret. Après un passage folk, Autum Chorus conclut le quatrième chapitre de son album avec emphase. Brightening Sky (5'23) débute de façon enjouée et en rythme. Vient ensuite un passage où les chœurs, la flûte, le chant et le piano officient dans la délicatesse. Une jolie voix féminine additionnelle complète le tableau. Le final, magnifique, voit le retour du batteur. Arrive enfin l'imposant Rosa (16'09) auquel le bien nommé Bye Bye Now (5'33) succède immédiatement pour conclure l'album. Ils forment une fresque de près de 22 minutes.

Rosa débute en douceur avec des arpèges de guitare et le glockenspiel. L'entrée en scène d'un violon accentue le climat de nostalgie qui se dégage de cette introduction. Puis le batteur entre en scène de façon discrète mais fort judicieuse tandis que les premiers chœurs se font entendre. Arrive alors la première explosion instrumentale. Quel travail du batteur au cours de cette première envolée de toute beauté ! Succède la longue partie centrale où la guitare et le chant sont prédominants. La musique est devenue minimaliste mais les climats sont superbes et procurent une sensation d'apaisement et de recueillement tout en annonçant progressivement l'explosion de la douzième minute. Autum Chorus délivre une dernière envolée de rêve très post-rock, c'est-à-dire avec des sons de guitare caractéristiques du genre. On pense alors aux ténors du genre tel Gregor Samsa, le groupe américain au nom kafkaïen. Le violon, le piano et les idiophones annoncent le retour d'un climat apaisé pour un final qui introduit l'atmosphérique Bye Bye Now, lequel conclut en beauté le premier album de Autumn Chorus avec ses superbes harmonies vocales et sa divine mélodie.

Autumn Chorus - Rosa (16'09)

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